Le créancier disposant d’un titre exécutoire (un prêt d’argent passé devant notaire ou une décision de justice par exemple) a la possibilité de faire vendre le bien immobilier de son débiteur aux enchères publiques. On dit alors qu’il poursuit la vente du bien à la barre du tribunal puisque à la différence des biens meubles, les enchères se déroulent au palais de justice, devant le juge de l’exécution et non par ministère d’officiers publics (huissiers et commissaires-priseurs).
S’il s’agit d’une méthode de recouvrement des plus impitoyables pour le débiteur, en cela qu’elle peut viser le bien constituant sa résidence habituelle, c’est aussi l’une des plus efficaces pour le créancier. C’est pourquoi les établissements bancaires y ont fréquemment recours, notamment pour obtenir le remboursement d’un prêt immobilier dont les échéances ne seraient plus honorées.
Malheureusement, la politique des débiteurs face à cette procédure est trop souvent celle de l’autruche.
Pourtant, il existe de nombreux moyens de défense tendant soit à obtenir la vente amiable du bien saisi afin d’en obtenir un meilleur prix, soit à faire échouer la tentative de saisie, ou encore, dans de plus rares cas, à conserver l’immeuble inaliéné, sans menace de saisie ultérieure.
Propos liminaires sur le déroulement de la procédure
Avant d’aboutir à la vente aux enchères du bien, la procédure aura dû passer par plusieurs étapes.
Tout d’abord, comme il a l’a été rappelé plus haut, le créancier devra être muni d’un titre exécutoire. Cet acte lui permet de recouvrer la créance liquide et exigible, portée par le titre, en faisant appel à un huissier de justice. Cet officier public, grâce à ce document, peut saisir des sommes d’argent directement sur les comptes bancaires du débiteur ou, dans le cas qui nous intéresse, délivrer un commandement de payer valant saisie.
C’est cet exploit d’huissier qui initie véritablement la procédure de saisie immobilière et qui commence à faire courir certains délais dont l’irrespect pourra être utiliser par le débiteur pour se défendre à la procédure.
Le commandement de payer valant saisie contient certaines mentions à peine de caducité et qui sont visés à l’article à l’article R. 321-3 du Code des procédures civiles d’exécution. Sans exhaustivité, on peut citer :
la désignation de l’avocat qui représentera le créancier à la procédure,
l’indication de la date et de la nature du titre exécutoire en vertu duquel le commandement est délivré,
le décompte des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l’indication du taux des intérêts moratoires,
l’indication, si le débiteur est une personne physique, que s’il s’estime en situation de surendettement, il a la faculté de saisir la commission de surendettement des particuliers instituée par l’article L. 331-1 du Code de la consommation.
A peine de sanction égale, le commandement doit être dénoncé au conjoint si le bien immobilier saisi appartient en propre à l’autre conjoint et qu’il constitue la résidence familiale.
Dans les deux mois de la délivrance au débiteur, le commandement doit être publié au service de la publicité foncière (ancienne conservation des hypothèques), toujours à peine de caducité.
A compter de cette formalité, le créancier dispose d’un nouveau de délai de deux mois pour faire délivrer l’assignation à l’audience d’orientation. Ici aussi, l’acte est emprunt d’un certain formalisme et doit notamment assigner à une audience qui ne peut être comprise qu’entre un et trois mois à compter de sa délivrance. Toujours à partir de la date d’assignation, le créancier dispose de cinq jours pour déposer le cahier des conditions de vente (article article R. 322-10 du Code des procédures civiles d’exécution).
Ce n’est qu’au terme de ces actes de procédure successifs qu’intervient l’audience d’orientation devant le juge de l’exécution. Il s’agit de la phase la plus importante de la procédure puisque c’est à son issue que le sort de l’immeuble sera scellé.
En effet, si le juge ordonne la vente aux enchères publiques et une fois le délai d’appel de quinze jours expiré, le bien sera présenté lors de l’audience de vente forcée et ce de manière inéluctable.
Si l’immeuble trouve adjudicateur (terme désignant l’acquéreur d’un bien soumis aux enchères), le juge le constatera par une décision insusceptible de recours de la part du débiteur, ancien propriétaire.
C’est pourquoi il est primordial, pour le débiteur saisi, de faire valoir des arguments en amont de l’audience d’orientation.
I – Solliciter la vente amiable du bien
Avant la décision de vente forcée qui sera éventuellement prononcée par le juge de l’exécution à l’issue de l’audience d’orientation, le débiteur a la faculté de demander la vente amiable de son bien sous contrôle du juge.
Cette possibilité lui est offerte car la vente de gré à gré fait disparaître l’aléa qui pèse sur le prix de vente. Plus encore, elle sert l’intérêt commun du débiteur et du créancier, puisque le second y trouvera bien souvent un désintéressement supérieur de sa créance.
Il faut également noter que cette demande peut être formulée oralement jusqu’à l’audience et par le débiteur qui se présenterait seul devant la juridiction, alors que la représentation par avocat est obligatoire en cette matière.
Cependant, il n’est pas dispensé de justifier par sa demande par des pièces attestant de sa bonne foi et de sa volonté réelle de vendre. Aussi il lui sera conseillé de produire, pour le moins, un mandat de vente et dans l’idéal, un compromis.
Enfin, précisons que le débiteur n’est pas obligé d’attendre l’audience pour solliciter la vente amiable, ni même l’assignation à l’audience d’orientation d’ailleurs.
Il a tout intérêt à se rapprocher de son créancier et/ou de l’avocat de celui-ci pour convenir d’un règlement amiable et ce le plutôt possible afin d’éviter que les frais de poursuites, qui s’accumulent au fur de et à mesure du déroulement de la procédure de saisie, ne viennent alourdir la note.
En toute hypothèse, on ne saurait que trop conseiller au débiteur de se rapprocher de son conseil habituel, car en dehors de la vente amiable tous les arguments qu’il voudra soulever devant le juge ne pourront l’être que par ministère d’avocat.
II – Les moyens tendant à l’échec de la procédure
On l’a vu, les mentions et délais à respecter sont nombreux pour le créancier poursuivant la vente forcée. La procédure de saisie immobilière est l’une des plus piégeuse du droit positif. Ainsi, il conviendra de vérifier chacun des actes, du titre exécutoire jusqu’à l’assignation à l’audience d’orientation, sur lesquels le créancier poursuivant aurait pu trébucher.
A – L’irrégularité du titre exécutoire
Rappelons-le, le préalable à toute voie d’exécution est la possession d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible. Lorsqu’il s’agit de prêts contractés dans le cadre d’une opération d’acquisition immobilière, l’acte de vente et l’acte de prêt sont souvent passés devant notaire à la même occasion et parfois dans le même instrumentum (i.e. le document contenant les actes juridiques).
Aussi, il n’est pas rare que l’une des parties au jour de la réitération devant notaire ne soit pas présente et se fasse représentée par un clerc de notaire en vertu d’une procuration. Cette pratique répandue dans les études notariales a le mérite de fluidifier les relations contractuelles et celui de permettre la conclusion d’acte qui serait impossible ou différé en raison de l’éloignement géographique qui sépare les parties. En revanche, mal exécutée, elle peut mettre en danger la vigueur du titre exécutoire.
A l’occasion de cinq arrêts rendus par la deuxième chambre civile le 7 juin 2012, la Cour de cassation s’est fendue d’un communiqué qui rappelle que la procuration doit être annexée au titre exécutoire. A défaut le titre exécutoire perd son caractère authentique et par ricochet sa force exécutoire.
Or, certains notaires ont pu faire, en certaines occasions, l’économie d’une seconde procuration pour le prêt. L’acte principal étant la vente immobilière et son accessoire le crédit affecté, ces derniers se contentaient de procéder par renvoi.
Cette pratique a été censurée par les décisions ci-dessus, qui en l’espèce ont permis aux débiteurs d’échapper aux saisies immobilières diligentées contre eux.
Il conviendra donc d’attacher une importance particulière à l’étude du titre exécutoire en vertu duquel la saisie immobilière est pratiquée et de vérifier qu’il respecte les prescriptions posées par l’article 1318 du Code civil et par le décret du 26 novembre 1971, relatif aux actes établis par les notaires.
B – La caducité du commandement de payer valant saisie
L’autre hypothèse plus classique de fin de non-recevoir est celle de la caducité du commandement. Sans dresser une litanie des cas de caducité du commandement, dont certains ont été cité plus haut, on peut y ajouter :
l’absence de dénonciation du titre exécutoire au débiteur, si le titre n’est pas un acte notarié et si le titre n’a été notifié au débiteur auparavant.
l’absence de dénonciation du titre exécutoire à l’ensemble de l’hoirie, dans tous les cas, lorsque que la saisie est poursuivie contre les héritiers.
l’absence de dénonciation du titre exécutoire et des actes de procédure (commandement, assignation) au tuteur/curateur, quand le débiteur est une personne sous protection de justice.
Il peut également arriver que l’huissier mandaté, voulant faire preuve de zèle sans doute, assigne trop tôt sans respecter le délai de carence d’un mois entre son acte et la date de l’audience à laquelle il a assigné.
Enfin, rappelons que les mentions obligatoires communes à tous les exploits d’huissier sont aussi prescrites à peine de caducité du commandement.
En somme, les hypothèses de caducité sont légions c’est pourquoi, ici aussi, il faudra faire preuve d’une vigilance aiguë et ne pas hésiter à faire feu de tout bois pour espérer mettre en échec la procédure. Cependant, même si ces moyens s’avéraient prospères ils n’offriront que le répit au débiteur. Sauf à ce que la prescription du titre ou de la créance soit acquise, rien n’empêchera le créancier de réintroduire son action.
III – L’arme de destruction massive : la prescription biennale de l’article L . 137-2 du Code de la consommation
Comme le titre l’indique, son efficacité est radicale, mais afin de parfaire l’analogie, seules quelques affaires seulement l’ont en germe.
Le 28 novembre 2012, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a frappé un grand coup en faisant application de la disposition générale de l’article L. 137-2 du Code de la consommation à la matière spécifique, à laquelle le même Code consacre un chapitre, qu’est le crédit immobilier.
Cet article limpide prévoit que « l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. »
Or, avant la réforme des prescriptions intervenue avec la loi du 17 juin 2008, la prescription des crédits immobiliers était décennale. Les services contentieux des établissements de prêt n’ont pas forcément vu venir cette réduction drastique du délai pour agir. Aussi, beaucoup de dossiers en stock sont touchés par la prescription consacrée par l’arrêt du 28 novembre dernier.
Reste une question : quand commence à courir le délai de prescription en matière de crédit ?
Pour y répondre il convient de se référer à la clause de déchéance du terme stipulée dans la quasi-totalité des offres de prêt. Ladite clause dispose le plus souvent que lorsque le prêteur fera défaut dans ses règlements, l’emprunteur aura la possibilité de prononcer la déchéance du terme, selon des modalités qui peuvent varier mais qui est nécessairement notifiée par LRAR ou par exploit d’huissier pour des raisons de preuve.
La déchéance du terme entrainant l’exigibilité immédiate des sommes dues au titre du prêt, c’est bien à cette date que doit être fixé le dies a quo (premier jour de computation du délai).
Ainsi, lorsqu’un délai de deux ans s’est écoulé entre la notification de la déchéance du terme et l’acte initiant la saisie immobilière, à savoir le commandement de payer valant saisie, sans qu’aucun acte interruptif ou suspensif ne soit intervenu, l’action du prêteur est prescrite.
Le prêteur n’a plus la possibilité de recouvrer sa créance par quelque voie de droit.
Cette fin de non-recevoir conduit non seulement à l’irrecevabilité de la procédure de la saisie pratiquée, mais aussi à dissuader le créancier poursuivant d’initier d’autres mesures d’exécution qui seront, dès lors, vouées à l’échec.